Le fait est que la civilisation dite « européenne », la civilisation « occidentale », telle que l’ont façonnée deux siècles de régime bourgeois, est incapable de résoudre les deux problèmes majeurs auxquels son existence a donné naissance : le problème du prolétariat et le problème colonial ; que, déférée à la barre de la « raison » comme à la barre de la « conscience », cette Europe-là est impuissante à se justifier ; et que, de plus en plus, elle se réfugie dans une hypocrisie d’autant plus odieuse qu’elle a de moins en moins chance de tromper. Ils étaient prêts, même à ce prix, ou plutôt à ce prix seulement, à renverser encore une fois leur attitude. Publié en 1955, le Discours sur le colonialisme fit scandale puis devint un des classiques de la littérature des nations colonisées en lutte pour leur indépendance et leur dignité. », Fallait-il enfin rejeter dans les ténèbres de l’oubli le fait d’armes mémorable du commandant Gérard et se taire sur la prise d’Ambike, une ville qui, à vrai dire, n’avait jamais songé se défendre : Mais, bah ! Des valeurs inventées jadis par la bourgeoisie et qu’elle lança à travers le monde, l’une est celle de l’homme et de l’humanisme - et nous avons vu ce qu’elle est devenue - l’autre est celle de la nation. M. Mannoni diagnostique : « Le Malgache n’essaie même pas d’imaginer pareille situation d’abandon... Il ne désire ni autonomie personnelle ni libre responsabilité. Pour ouvrir ici une parenthèse dans ma parenthèse, je crois qu’un jour viendra où tous les éléments réunis, toutes les sources dépouillées, toutes les circonstances de l’œuvre élucidées, il sera possible de donner des Chants de Maldoror une interprétation matérialiste et historique qui fera apparaître de cette épopée forcenée un aspect par trop méconnu, celui d’une implacable dénonciation d’une forme très précise de société, telle qu’elle ne pouvait échapper au plus aigu des regards vers l’année 1865. Originally published as Discours sur le colonialisme by Editions Presence Africaine, COPYRIGHT: From a AN INTERVIEW WITH AIMÉ CÉSAIRE. 3 Pages • 2248 Vues. », Et le Malgache ? Je vois bien celles - condamnées à terme - dans lesquelles elle a introduit un principe de ruine : Océanie, Nigeria, Nyassaland. Description. M. Mannoni a mieux : la psychanalyse. Elles entraînent une inégalité de fait. Il parait que c’est la constatation que se confient tout bas les stratèges américains. On avait fait des feux de salve-deux ! Regere imperio populos, voilà notre vocation. Discours sur Ie colonialisme, it appeared just as the old empires were on the verge of collapse, thanks in part to a world war against fascism that left Europe in material, spiritual, and philosophical shambles. Editions PRÉSENCE AFRICAINE, 1955Tous droits réservés, [1] Le Discours sur le colonialisme … d’Aimé Césaire publié pour la première fois par Réclame, maison d’édition liée au Parti communiste français, le 7 juin 1950, avec une préface de Jacques Duclos. Le résultat, c’est du Mannoni. Cela dit, il paraît que, dans certains milieux, l’on a feint de découvrir en moi un « ennemi de l’Europe » et un prophète du retour au passé anté - européen. La vérité est que j’ai dit toute autre chose : savoir que le grand drame historique de l’Afrique a moins été sa mise en contact trop tardive avec le reste du monde, que la manière dont ce contact a été opéré ; que c’est au moment où l’Europe est tombée entre les mains des financiers et des capitaines d’industrie les plus dénués de scrupules que l’Europe s’est « propagée » ; que notre malchance a voulu que ce soit cette Europe-là que nous ayons rencontrée sur notre route et que l’Europe est comptable devant la communauté humaine du plus haut tas de cadavres de l’histoire. Des historiens ou des romanciers de la civilisation (c’est tout un), non de tel ou tel, de tous ou presque, leur fausse objectivité, leur chauvinisme, leur racisme sournois, leur vicieuse passion à dénier aux races non blanches, singulièrement aux races mélaniennes, tout mérite, leur monomanie à monopoliser au profit de la leur toute gloire. Et de fait, ne voyez-vous pas avec quelle ostentation ces messieurs viennent de déployer l’étendard de l’anti-colonialisme ? Aimé Césaire vu par Daniel Maximin. » Décidément, M. Caillois est en bonne compagnie. Tout Européen, à un moment de son développement, découvre en lui le désir... de rompre avec ses liens de dépendance, de s’égaler à son père. C’est la vertu de l’Europe d’ainsi susciter au moment le plus critique des héroïsmes salvateurs. Vos manuels numériques enrichis, disponibles sans connexion internet et sur toutes les plateformes. | Se connecter | Je veux dire dont on ne réchappe pas tout à fait indemne. Heureusement qu’il reste les nègres. Ah ! Il prête des serments, dicte des lois sublimes, Terrasse les méchants, relève les victimes. Plus de digue. Ce sont ces « intellectuels européens » qui, « par une déception et une rancœur exceptionnellement aiguës », s’acharnent depuis une cinquantaine d’années « à renier les divers idéaux de leur culture » et qui, de ce fait, entretiennent, « notamment en Europe, un malaise tenace ». Établissements, libraires, particuliers : commandez vos manuels papier et numériques. C’est un fait : la nation est un phénomène bourgeois... Mais précisément, si je détourne les yeux de l’homme pour regarder les nations, je constate qu’ici encore, le péril est grand ; que l’entreprise coloniale est, au monde moderne, ce que l’impérialisme romain fut au monde antique : préparateur du Désastre et fourrier de la Catastrophe : Eh quoi ? Le Malgache, jamais ! direz-vous. Et, si en veut des témoignages, de telle scène d’hystérie anthropophagique à laquelle il m’a été donné d’assister à l’Assemblée Nationale française. Et le silence se fait profond comme un coffre-fort ! Attendu, comme l’affirme son confrère en christianisme, le R. P. Muller : « que l’humanité ne doit pas, ne peut pas souffrir que l’incapacité, l’incurie, la paresse des peuples sauvages laissent indéfiniment sans emploi les richesses que Dieu leur a confiées avec mission de les faire servir au bien de tous ». Pensez donc ! Le grave est que « l’Europe » est moralement, spirituellement indéfendable. Commentaire texte 18 : Discours sur le colonialisme, Aimé Césaire, 1950 Aimé Césaire (1903-2008), écrivain et poète martiniquais, publie en 1950 Discours sur le colonialisme, un pamphlet contre le colonialisme. COLLECTIF COMMUNISTE POLEX : QUI SOMMES-NOUS ? Après la supériorité scientifique et la supériorité morale, la supériorité religieuse. Savoir la naissance de la chimie chez les Arabes. On s’étonne, on s’indigne. De ceci que jamais l’Occident, dans le temps même où il se gargarise le plus du mot, n’a été plus éloigné de pouvoir assumer les exigences d’un humanisme vrai, de pouvoir vivre l’humanisme vrai - l’humanisme à la mesure du monde. AIMÉ CÉSAIRE, DISCOURS sur le COLONIALISME, en 1950. extraits choisis tirés de éd. Dans une troisième émission, nous diffuserons Le discours sur le colonialisme, un texte important, engagé, qui avait été lu en public et enregistré pendant le festival d’Avignon en 1989 par le metteur en scène Antoine Vitez. La bourgeoisie, en tant que classe, est condamnée, qu’on le veuille ou non, à prendre en charge toute la barbarie de l’histoire, les tortures du Moyen-Age comme l’inquisition, la raison d’état comme le bellicisme, le racisme comme l’esclavagisme, bref, tout ce contre quoi elle a protesté et en termes inoubliables, du temps que, classe à l’attaque, elle incarnait le progrès humain. Il ne m’indigne pas. Ces Malgaches, que l’on torture aujourd’hui, étaient, il y a moins d’un siècle, des poètes, des artistes, des administrateurs ? Pensez donc ! Donc, ne supportent pas plus que nous une contradiction formelle Plus de crise sociale! Dissertation Sur Le Discours Sur Le Colonialisme Pdf, case study on building cracks and causes and its prevention pdf, good vs evil synthesis essay, algorithmic problem solving ucd. Et ça donne encore ceci (cette fois mouture littéraire) : « Je sais que je dois me croire supérieur aux pauvres Bayas de la Mambéré. Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Et la chicote ? [3] Cari Siger, Essai sur la Colonisation, Paris, 1907. Un trait de cette psychologie dépendante semblerait être que, puisque nul ne peut avoir deux maîtres, il convient que l’un des deux soit sacrifié à l’autre. Cela n’a pas eu l’heur de plaire à tout le monde. La conclusion s’impose face aux anthropophages, aux dépeceurs et autres comprachicos, l’Europe, l’Occident incarnent le respect de la dignité humaine. Tête du ministre quand il lit cela ! Il reste, bien sûr, quelques menus faits qui résistent. Je lui sais presque gré de s’exprimer et de paraître au grand jour, signe. Mais Discours sur le colonialisme, écrit en 1950, est un véritable pamphlet : c’est un des premiers textes où le poète met son art au service de la cause civile et populaire. J’entends la tempête. L ’Europe est indéfendable. Et les voluptés sadiques, les innommables jouissances qui vous frisselisent la carcasse de Loti quand il tient au bout de sa lorgnette d’officier un bon massacre d’Annamites ? On me parle de civilisation, je parle de prolétarisation et de mystification. C’est M. Mannoni qui parle : « Suivant des chemins très classiques, ces Malgaches transformaient leurs saints en martyrs, leurs sauveurs en boucs émissaires ; ils voulaient laver leurs péchés imaginaires dans le sang de leurs propres dieux. Que disait M. Massis ? et la poignée de riz au Malgache ou au nhaqué ? On l’ausculte, on la surprend, on la sent, on la suit, on la perd, on la retrouve, on la file et elle s’étale chaque jour plus nauséeuse. La vérité est que Lautréamont n’a eu qu’à regarder, les yeux dans les yeux, l’homme de fer forgé par la société capitaliste, pour appréhender le monstre, le monstre quotidien son héros. Ce discours … Et alors, je le demande : qu’a-t-elle fait d’autre, l’Europe bourgeoise ? Les colonisés savent désormais qu’ils ont sur les colonialistes un avantage. Signe qu’elle se sent cadavre. Avouez que c’est à bon compte ! Contact | ». Et si on la leur donnait, ils ne sauraient qu’en faire.). AIMÉ CESAIRE – DISCOURS SUR LE COLONIALISME – TEXTE INTÉGRAL 1955. On est impardonnable de ne pas se souvenir de M. Massis, lequel, vers 1927, se croisa pour la défense de l’Occident. Visionnez un reportage sur le Congo-Océan et la mise en accusation de la France pour crime contre l’humanité. » « Monsieur Gourou, c’est très grave ! Nous en publions ci-dessous le début, précédé d’une lecture publique par Antoine Vitez en 1989 à Avignon. La violence ! J’observerai seulement... que ce mouvement a pour effet de mettre les mâchoires bien en valeur et que les évocations qui vous viennent à l’esprit vous ramènent plus près de la forêt équatoriale que de la procession des Panathénées... La race noire n’a encore donné, ne donnera jamais un Einstein, un Stravinsky, un Gershwin. Ce sont les meneurs blancs qui leur fourrent ça dans la tête. J’en prends seulement connaissance. Avec lui les nègres sont sûrs de n’être pas lynchés, les juifs de ne pas alimenter de nouveaux bûchers. --Publication info: Paris : Présence africaine, 1973. Tant de sociétés, tant de langues éteintes, de cités, de droits, de foyers anéantis, firent le vide autour de Rome, et là où les barbares n’arrivaient pas, la barbarie naissait d’elle-même. [6] II est clair qu’ici on s’en prend non pas à la philosophie bantoue, mais à l’utilisation que certains, dans un but politique, entreprennent d’en faire. Tête du recteur ! ou, si l’on préfère, de toutes les manières d’établir le contact, était-elle la meilleure ? Oui, il vaudrait la peine d’étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches d’Hitler et de l’hitlérisme et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXe siècle qu’il porte en lui un Hitler qui s’ignore, qu’Hitler l’habite, qu’Hitler est son démon, que s’il le vitupère, c’est par manque de logique, et qu’au fond, ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, c’est l’humiliation de l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique.